Relations toxiques
Parfois, nous alimentons à notre insu des liens nocifs pour notre équilibre émotionnel et affectif. Le premier pas vers la libération : les repérer et comprendre leurs mécanismes.
Pervers narcissiques, harceleurs, menteurs ou manipulateurs pathologiques… On ne compte plus, depuis quelques années, les manuels de défense contre les personnalités toxiques. Ces ouvrages sont importants, essentiels pour certains d’entre eux, car ils viennent mettre des mots sur des comportements ravageurs. On sait aujourd’hui que « ces sociopathes peuvent ruiner notre vie », pour citer le psychologue américain Bill Eddy1. Mais les prédateurs relationnels ne sont pas les seuls concernés : certaines de nos relations ordinaires, familières, peuvent également posséder un taux de toxicité dangereux. C’est pourquoi, selon Anne-Marie Benoît, psychothérapeute et psychanalyste, il est pertinent de distinguer les « personnalités » toxiques des « relations » toxiques. « Une relation est composée de trois éléments : moi, l’autre et ce que nous produisons ensemble, qui interagissent à deux niveaux, conscient et inconscient. Parce que les inconscients communiquent, nous pouvons tisser une relation toxique sans que soi-même ou l’autre soit une personnalité toxique », précise la psychanalyste.
Pour la psychiatre américaine Abigail Brenner2, autre spécialiste de cette question, toutes les relations sont complexes et il n’est pas facile de repérer celles qui sont toxiques pour nous, notamment au sein de sa famille. Il en va de même au travail ou dans les relations amicales, qui, souvent, réactivent et reproduisent les schémas familiaux. Les divers conditionnements (croyances transmises, jeux de rôles…) et la culpabilité – qui empêche souvent de poser un regard lucide sur nos liens affectifs – nous transforment parfois malgré nous en victimes ou en bourreaux. « Il faudrait garder à l’esprit que nous pouvons tous être le “toxique” de l’autre », rappelle Anne-Marie Benoît. À chacun de repérer, parmi les quatre types de liens toxiques que nous décrivons, celui qui pourrait ressembler à l’un des siens.
Vous êtes coincé dans un rôle
Comme si votre relation ne vous permettait de jouer qu’un seul personnage avec une seule étiquette (sauveur, maman, gestionnaire…). Vous parlez et agissez comme si vous étiez en mode pilotage automatique. Les adjectifs qui vous décrivent sont toujours les mêmes. Et, de fait, vous vous conformez aux consignes. Même si cela revient pour vous, métaphoriquement, à continuer à porter les vêtements de votre adolescence, alors que vous avez changé de taille, de poids, de style et de mode de vie.
Ce qui est en jeu : vous servez à rassurer l’autre, qui, en vous assignant un rôle précis, a le sentiment de vous contrôler et par conséquent d’assurer sa sécurité. Ce qui lui évite de se remettre en question et d’affronter des choses inconfortables ou pénibles en lui et/ou des événements qui se sont produits dans son passé.
Les conséquences : la négation de votre richesse, de votre complexité, l’affaiblissement ou la perte de l’estime et de la confiance en soi, l’impossibilité de déployer et de faire fructifier vos ressources et vos compétences personnelles.
Vers la libération
Commencez par vous questionner sur l’origine de ce rôle : à quand remonte-t-il ? Comment s’est-il installé dans votre vie ? Qui en particulier vous l’a fait endosser et quels en étaient les bénéfices pour cette personne ? Comment avez-vous alimenté ce rôle (par quels renoncements, quels artifices) ?
Demandez-vous ensuite : à quoi vous sert-il aujourd’hui ? Quels bénéfices en retirez-vous ? Quelles frustrations ? Qu’est-ce que vous vous empêchez d’être, de faire, d’oser ? Tenez-vous ce rôle avec tout le monde ? Si ce n’est pas le cas, prenez un moment pour revivre en pensée et en ressenti ce qui se passe quand vous vous sentez libre de vous déployer.
Enfin, cultivez et renforcez les liens et activités qui vous permettent d’exprimer toutes vos facettes, entraînez-vous à dire non, à exprimer ce que vous pensez vraiment, fréquentez davantage les personnes qui vous apprécient dans votre globalité et prenez le risque de déplaire à ceux qui vous rognent les ailes.