Dire oui

Pour se construire, l’être humain doit dire « non ». Mais « oui » aussi ! « C’est en disant non qu’on s’affirme... ça reste à prouver ».  

Partez-vous en guerre contre l’excès du « non » ?    
Je mets en garde contre ces injonctions modernes du « Il faut dire non », « Osez dire non ». Car cette idée communément diffusée selon laquelle on ne s’affirme qu’en s’opposant peut se retourner contre soi et devenir piégeante. A toujours dire non, on s’enferme dans une opposition stérile et, surtout, on s’empêche de reconnaître l’autre, d’entendre ce qu’il a à nous dire, à nous apporter. On passe à côté de relations sans lesquelles on ne peut pas se construire.

Le « non » ne peut donc pas se passer du « oui » ?    
Le « non » est une condition nécessaire à la construction de l’identité, mais pas suffisante. Le non veut dire : « Je ne suis pas comme toi, je me différencie de toi »... Mais, pour qu’il ait un sens, il faut passer par le « oui ». Oui à l’autre auquel on va s’identifier, à qui l’on va prendre une idée, une qualité, une façon d’être.
  

Vous parlez même des vertus de la soumission....    
Oui, il y a du bon aussi à accepter de se soumettre... Cela signifie « se mettre sous », c’est-à-dire sous l’autorité, sous la protection d’un autre, mais c’est aussi accepter de reconnaître que cet autre peut nous enrichir et pas seulement nous limiter.
  

Il s’agit donc de tricoter le non et le oui !    
Absolument. La construction de l’être humain repose constamment sur ces deux piliers que sont l’envie de s’opposer, de se différencier, et l’envie d’approuver, de s’identifier. Etre bien dans son identité, c’est pouvoir relier ces deux axes. Un « oui » qui n’est pas étayé par une bonne différenciation menace d’étouffer l’individualité. Un « non » qui n’est pas étayé par une bonne identification mène à un défaut identitaire et à une revendication permanente d’opposition pour exister. On voit cela chez des enfants agressifs, qui sont tyranniques à la maison et rejetés à l’extérieur... Derrière ce besoin d’opposition, se cachent des failles narcissiques, de grands doutes quant à l’identité.
  

Comment aider un enfant à sortir du « non » ?    
En lui fixant des limites ! C’est toute la délicatesse d’une éducation non dogmatique : il faut reconnaître à l’enfant la possibilité de s’opposer pour se construire – ce qu’il fait durant la phase du « non », qui dure généralement de 18 mois à 3 ans et demi ou 4 ans. Mais la difficulté, c’est que lorsqu’il découvre la jouissance de dire non, il a du mal à y renoncer, il n’a pas envie de se donner une limite. Or, on ne peut se donner à soi-même des limites que lorsqu’on en a reçu des parents et qu’on en a vu les effets positifs. C’est quand il aura intégré le non de l’interdit que l’enfant pourra faire la part des choses, et accepter à un moment donné l’avis de l’autre. C’est la condition de la liberté humaine.

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