Changer en s’améliorant

Les débats acrimonieux ont toujours existé dans l’histoire. Néanmoins, Internet offre une vitrine incomparable sur ce comportement. Désormais, chaque jour apporte son lot de déchirements. Sur les réseaux sociaux, nombreux s'invectivent. Pourtant, l’idée derrière les injures est de modifier le raisonnement de son interlocuteur. Pour les sociologues et psychologues, le réseau mondial devient un immense laboratoire où peuvent s’analyser les comportements.

Et alors, ont-ils trouvé la formule miracle afin de faire changer une personne d’opinion? Absolument pas. Toutefois, ils comprennent de mieux en mieux comment se forgent celles-ci et pourquoi elles sont si difficiles à altérer.

Le filtre personnel

En fait, la question des opinions personnelles a été étudiée depuis des décennies. Les sciences de l’éducation s’y sont même penchées et ont montré qu’un individu observe toujours des idées nouvelles à partir de ce qu’il croit savoir. Il s’agit là d’un paradoxe fort intéressant puisque d’emblée, il aura tendance à rejeter ces approches qui ne correspondent pas à ce qu’il connaît du monde. Si cela complique la tâche de la transmission de concepts, cela ne va pas en s’améliorant hors de l’école. En effet, le cadre scolaire propose déjà, en partie, cette idée de bousculer le bagage de connaissance acquis précédemment.

Ainsi, les changements de perspectives se font donc uniquement avec du travail sur soi. Cet article de Slate relate des individus ayant modifié leur vision du monde. Il est rare que ces transformations soient majeures ou que le socle soit si différent. Par exemple, un journaliste et militant écologiste, à ses débuts, maudissait le nucléaire et les OGM. Puis, des années plus tard, il considère la fission atomique comme l’énergie la plus propre et s’intéresse aux biotechnologies agricoles. Pourtant, il n’a rien perdu de son intérêt pour l’environnement. Or, il a réalisé avec l’expérience que d’un côté les activistes citaient la science quand elle affirmait les changements climatiques mais l’omettaient quand venait le moment d’aborder l’énergie nucléaire. Ce paradoxe lui parassait de plus en plus inconfortale au fil du temps et en prenant connaissance d'études scientifiques.

Mais que faire avec des gens dont l’expérience de vie n’a jamais modifié leur vision du monde? Comment leur faire comprendre une attitude préjudiciable? Cela repose sur la perception par l’individu du préjudice, une envie d’arrêter et un entraînement pour cesser les biais. Bref, tout se fonde encore sur la personne... et sa communauté.

Le côté social des opinions

Parce que l’être humain est grégaire, la validité d’opinions repose sur le nombre d’individus qui les partagent. Voilà pourquoi les différentes idéologies se regroupent dans les forums de discussion, dans les médias spécialisés et les réseaux sociaux. Avoir un avis a une valeur communautaire et tous essaient de faire partie d’un clan, craignant l’ostracisme. Après tout, dans le passé, les exclus de la société mourraient, seuls et abandonnés.

Cela explique pourquoi les approches individuelles sont aussi difficiles avec les individus. Personne ne veut être repoussé d’un groupe auquel il appartient. Ainsi, les spécialistes tendent à dire que ce ne sont pas les arguments qui font changer de conviction mais les amitiés. En effet, en se tenant avec des personnes ayant des opinions différentes mais qui ne nous jugent pas et nous écoutent tout en expliquant leur vision, les changements sont possibles.

De plus, les chercheurs ont montré que les individus utilisant davantage le « je » plutôt que le « nous » dans leur argumentaire ont une plus grande propension à modifier leur point de vue. Ceux-ci admettent que leur vision est personnelle et sont plus ouverts à celles des autres que ceux qui généralisent et opposent leur groupe au reste du monde.

Il ne faut pas oublier que pour la plupart des individus, leur opinion fait « partie » d’eux. L’attaquer devient donc une attaque frontale repoussée avec véhémence, la plupart du temps.

Il faut alors adopter des approches plus douces et respectueuses, même si cela peut s’avérer exténuant et difficile. Il faut éviter que la personne se sente la cible des arguments mais qu'elle se sente plutôt comme un interlocuteur à qui est partagé une autre vision du monde. Bref, l’empathie et l’humanisation permettent de mettre en place une réelle discussion.

Précédent
Précédent

Fixer des limites

Suivant
Suivant

Il est permis d’échouer